Turquie : Mais qui sont donc les Alévis ?


Un témoignage de S.C pour le Collectif VAN :
 
En l’absence de chiffres officiels, il est difficile de connaître l’importance numérique exacte de la population alévie de Turquie. Les Alévis seraient entre 10 et 15 millions. L’alévisme est assimilé à l’un des courants de l’islam, cependant, les Alévis sont critiqués par certains musulmans, qui considèrent que leur croyance ne se rattache pas à l’Islam. Ils sont confrontés en Turquie à une discrimination de type religieux, culturel et social. 
Étonnant mélange de modernisme (ils sont républicains, féministes, ouverts à la laïcité dès 1920) et de mysticisme, leur mouvement, qui s’oppose à celui des intégristes, est en train de vivre un renouveau. Leur réelle tolérance les a souvent conduits à une véritable empathie avec les populations chrétiennes souffrant sous le joug des gouvernements turcs successifs. De nombreux Alévis font partie des « Justes » qui ont caché ou sauvé des Arméniens en 1915, et ce au péril de leur vie.
 

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Témoignage du 16 juin 2007 de S.C., Arménienne originaire de Turquie, résidant en France : 

« Depuis qu’il n’y a presque plus de Chrétiens en Turquie, les Turcs Sunnites ou islamistes extrémistes s’en prennent aux Alévis. On ne connait pas réellement l’origine des Alévis. Selon une première hypothèse, il s’agirait d’une tribu venue d’Iran vers le XVème siècle. La plupart des philosophes tels Yunus Emré, Bektachi (Derviches tourneurs), sont liés aux Alévis. Bien entendu à l’école en Turquie, on nous les présente comme étant des philosophes turcs… 

Mais selon certaines hypothèses, les Alévis seraient des Arméniens convertis depuis des siècles (physiquement, ils nous ressemblent) : ils auraient continué à pratiquer nos coutumes sans dire qu’il s’agissait de coutumes arméniennes. 

Et effectivement les Alévis sont très différents des autres musulmans. Ils ne vont pas à la mosquée, ne prient pas 5 fois par jour, ne jeûnent pas durant le Ramadan, boivent du vin… Le chef spirituel des Alévis est le dede. Le lieu de culte des Alévis est le cemevi ou maison de jam, prononcer djème de l’arabe jam qui signifie rassemblement, communion. 

Les Alévis sont très libéraux. Ils sont monogames, les femmes ne portent pas le voile, les filles ont accès à l’éducation scolaire tout comme les garçons. Comme chez les Arméniens, l’éducation et la réussite dans les études supérieures, que ce soit pour les filles ou les garçons, est une valeur de fond chez eux, avec la volonté de pouvoir offrir à leurs enfants des débouchés vers des métiers tels que architectes, médecins, ingénieurs… 

En lieu et place du Ramadan, les Alévis prennent le deuil durant une semaine en mémoire de l’assassinat à Kerbala de leur prophète Ali, tué sur ordre de son cousin Mohamed. Les Alévis portent un collier représentant une épée pour rappeler le combat d’Ali contre Mohamed : de loin, on ne voit pas une épée, mais une croix… 

Leur langue n’est pas la même que les Kurdes sunnites (Kirmanchi). Les Alévis (non Turcs) parlent une langue qui s’appelle Zaza et qui est remplie de mots arméniens. La nouvelle génération ne parle plus cette langue interdite par le pouvoir turc. 
Les Alévis des régions kurdes, ne se disent pas Kurdes, mais Alévis tout simplement. Contrairement aux Alévis turcs, qui eux se disent Turcs… 

J’habite actuellement en région parisienne et j’ai des voisins alévis. J’ai découvert de curieuses ressemblances avec nos coutumes arméniennes et chrétiennes : ils font le jeûne “Sourp Sarkisi Dzom” (sans en connaître le nom). Le jeûne arménien « Dzom de Sourp Sarkis » a lieu 15 jours avant notre jeûne de « medz Bak » (Carême). Donc entre Février et Mars. Ma voisine alévie m’a donné des explications sur le jeûne qu’ils respectent : pendant une semaine ou 10 jours, les jeunes filles ne boivent pas d’eau. Si une jeune fille célibataire rêve qu’un jeune homme lui sert de l’eau à boire, il sera son futur époux. C’était le sens du jeûne « Dzom de Sourp Sarkis » que les jeunes filles arméniennes faisaient dans le temps… 
Autre rituel commun avec mes voisins alévis : ils fêtent « Vartavar » et se jettent de l’eau ce jour là…. Et ils ont chez eux des photos d’Ali au millieu de … ses 12 disciples (imams). 

Suivant les indications de leur religion, les Alévis font des pélérinages sur les lieux saints et curieusement les anciens monastères arméniens (Sourp Garabedi Vank) sont au nombre des lieux visités. Le Vank de Sourp Garabed se trouve à Kayseri (Césarie). Des amis du Dersim (renommé « Tunceli » dans la Turquie moderne, comme « Kharpert » est devenu « Harput ») m’ont raconté que les nouveaux mariés alévis devaient tourner trois fois autour de l’Eglise Sourp Garabed avant de passer la nuit… Une famille alévie originaire de Tunceli et qui habite en France nous a raconté que leur grand-mère colorait les œufs pendant les fêtes de Pâques… 
Une jeune ingénieure en informatique, originaire d’Erzincan (Yerzinga), m’a montré la photo de sa grand-mère qui vit à Kemah : elle était habillée comme une grand-mère arménienne et non comme une Kurde. Parmi les photos, il y en avait une montrant la tombe du grand-père : on distinguait des khatchkars en arrière-plan de la tombe (Nota CVAN : croix de pierre ciselées, typiques de l’Art religieux arménien). La jeune femme alévie m’a expliqué qu’il s’agissait de tombeaux arméniens. En réponse à mon étonnement de voir des musulmans enterrer leurs morts dans un cimetière arménien, elle a simplement répondu que ce village sur la montagne ne disposait pas de beaucoup de place. Le cimetière arménien était l’endroit le plus proche du village et dans la mesure où il n’y avait plus d’Arméniens… 
Arrivée en France à l’âge de 2 mois, cette toute jeune femme alévie ne savait rien de l’histoire… Après avoir fait notre connaissance, elle est retournée vers ses parents qui lui ont dit que les Arméniens étaient des personnes très bien et qu’elle pouvait nous fréquenter… Quant à ma voisine alévie, elle a appelé son père lorsqu’elle a acheté la maison pour lui annoncer qu’elle avait des voisins arméniens. La réponse de son père fut : « tu es l’enfant béni de Dieu, maintenant je ne me fais plus de souci pour toi ». 

J’ai lu dans un livre de témoignages de Baskin Oran édité chez Iletisim en 2005, sous le titre « M.K. Adli Cocugun Tehcir Anilari » (« Les souvenirs de déportation de l’enfant nommé M.K. »), qu’au début du XXème siècle dans les villages alévis les femmes qui préparaient la pâte pour cuire le pain, faisaient le signe de croix sur la pâte avant de la laisser fermenter… Et bien sûr sans connaitre la signification du symbole… 

L’enfant dont parle ce livre s’appelait Manuel Kirkyasaryan : il était né à Adana en Turquie, déporté à 9 ans en 1915, tombé en esclavage et mort à 91 ans en Australie. A 70 ans, il avait enregistré ses souvenirs mais n’avait pas osé révéler son nom d’où le titre « les souvenirs d’un enfant nommé M.K ». Lorsque Baskin Oran avait visité l’Australie avec Hrant Dink, la famille de Manuel Kirkyasaryan lui avait confié les cassettes de souvenirs de ce dernier. 

Curieusement les Alévis développeraient également la fameuse maladie arménienne, ou Maladie Périodique (Fièvre méditerranéenne familiale, FMF) connue particulièrement chez les Arméniens, les arabes et les juifs d’Afrique du Nord … 

Agos avait publié un article suggérant l’hypothèse que les Alévis pouvaient être des Arméniens convertis au cours des siècles. 
Un site ultra-nationaliste turc dément lui catégoriquement cette théorie désignée comme une ‘machination des historiens arméniens’. 
Fait amusant, en voulant démentir cette hypothèse, les nationalistes turcs abordent tous les sujets que les Alévis eux-mêmes ne traitent pas ouvertement.. 
Par exemple, ces sites révèlent que les linguistes arméniens font le lien entre la langue alévie Zaza et l’arménien (http://youtube.navi-gate.org/tag/ermenistan/). 

De nombreux sites alévis parlent du génocide arménien et racontent que les Arméniens du Dersim sont tous devenus Alévis à cette époque. 

En effet, dans plusieurs régions de Turquie, lorsque certains Arméniens ont décidé de se convertir à l’islam pour survivre au génocide de 1915, ils ont choisi l’alévisme. Car ce mode de vie était très proche du nôtre. Durant le génocide, les Alévis ont sauvé beaucoup d’enfants arméniens : ces derniers ont été assimilés bien souvent. Presque tous les Alévis que j’ai rencontrés en Allemagne et en France avaient une grand-mère ou un grand-père (plus rarement avoué) arménien. 
Certains n’ont jamais oublié qu’ils étaient Arméniens avant 1915 : quand ils ont décidé d’émigrer vers l’Europe, ils sont passés par Istanbul où ils ont fait la démarche de redevenir arménien en se faisant baptiser à l’église arménienne. Ils ont des noms et des prénoms turcs, mais ont tous un deuxième prénom chrétien : Robert, Richard, Christine etc… 
Il y a des familles du Dersim à Gonesse. Ces familles ne parlent pas arménien mais leurs enfants sont élevés comme des Arméniens… 

Plusieurs familles de ce type sont éparpillées en France dans diverses villes : elles préfèrent s’assimiler et se fondre dans la population. Car il faut dire que la communauté arménienne de France n’est pas très accueillante… 

L’un de ces Arméniens (qui doit avoir environ 50 ans aujourd’hui) m’a dit : “Je suis né Kurde, j’ai grandi en tant que Turc et je suis devenu Arménien”. Il était né dans une famille arménienne qui s’était convertie à l’alévisme pour échapper à la mort. Mais être Alévi était une chose difficile dans la Turquie sunnite des années 40. 
Ils ont donc préféré vivre comme des Turcs. Mais, dans la mesure où tout le monde savait malgré tout qu’ils étaient des convertis (dönme), avec ce que cela implique comme brimades et problèmes, ils ont finalement décidé d’émigrer à Istanbul dans les années 60. Aujourd’hui une grande partie d’entre eux vit en Europe, essentiellement en Allemagne et en France : ils se marient entre eux… 

Les Arméniens cachés qui restent sur place en Turquie, vont-ils pouvoir continuer à faire vivre sur nos territoires historiques, quelque chose qui ressemblerait de près ou de loin à la culture arménienne engloutie en 1915 ? Vont-ils avoir le courage de s’exposer au grand jour ? Et la Turquie, en reconnaissant son passé et en acceptant ses minorités, va-t-elle un jour, enfin retrouver la paix civile ?” 

A lire : 

 SANDJAK DU DERSIM 

SANDJAK DU DERSIM – Article repris dans le livre “Les Arméniens dans l’Empire ottoman à la veille du génocide” écrit par Raymond H. Kévorkian et Paul B. Paboudjian publié par les Editions d’Arts et d’Histoire – ARHIS, en 1992 à Paris. 

Passage historique : dersim et protestantisme 

Armen Dersimian 

ETNIK TEMIZLIK NE ZAMAN BITECEK? 

http://www.geocities.com/dersimsite/zazalar.html 

Arméniens du Dersim 

24 NISAN ERMENI SOYKIRIMININ BASLANGICI 

Qui sont les Kizilbas ? 

Dersimliler ve Dersim Diasporasi 

Perri, Charsanjak, Dersim & 
The Armenian Village
 

B i b l i o g r a p h i e 

Procès de massacres dans le vilayet de Dersim/Kharpout 

LES KURDES ALEVIS FACE AU NATIONALISME TURC KEMALISTE 

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Alévisme 
Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre
 

L’alévisme (alevilik en turc, aleviyye/alawiyya en arabe, elewî en kurde) est une des branches du yazdanisme. L’alévisme est aujourd’hui assimilé à des courants de l’islam, car ils pratiquent taqiya et aussi un petit nombre de rites musulmans, mais pas tout comme le chiisme, le sunnisme ou le kharidjisme. 
Pour cette raison, le terme islam alévi est parfois employé pour le nommer. Il est resté théologiquement proche du chiisme, lequel a évidemment aussi évolué. Cependant, ils sont critiqués par certains musulmans, qui considèrent que ces pratiques ne sont que superficielles et qu’au fond leur croyance ne se rattache pas à l’Islam 

Alévisme – note-0

Introduction 

L’alévi a eu un impact fondamental dans l’histoire, la religion et la culture des peuples turcs du Turkestan aux Balkans, y compris en Anatolie et en Azerbaïdjan. Cette croyance était considérée comme hérétique par le pouvoir central sunnite ottoman. Néanmoins, les bektashis jouaient un rôle important au sein du corps militaire d’élite, les Janissaires. Oppressions, révoltes, persécutions furent le lot des alévis. Les alévis se plaignent d’être l’objet de pressions plus ou moins violentes de la part d’une mouvance sunnite radicale. 
Les alévis vivaient en milieu rural. Les pressions ottomanes sunnites les ont contraints à y rester et/ou s’y cacher. Dans les années 1960, avec l’exode rural, ils ont commencé à émigrer dans les grandes villes comme İstanbul, Ankara, İzmir, etc. 

Aujourd’hui, les alévis seraient entre vingt et trente millions en Turquie. La majorité des alévis sont d’origine turque et turkmène mais il y a aussi des alevis zazas ou kurdes kurmandji. Dans les Balkans une partie importante des albanais et de petits groupes bosniaques sont Bektashis. Il existe également des communautés alévies en Bulgarie… Les Mevlevi-Shemsis, en Turquie, font aussi partie de l’islam alévi. 
Il existe aussi en Azerbaidjan, en Iran et en Irak, d’autres groupes chiites hétérodoxes (ghulat) apparentés aux Alevis et Bektachis tels les Ehl-i Hakk (Kurdes/Turkmens) dits aussi Ali-Ilahi, les Kakaiyya (Kurdes/Turkmen), Shabak (Kurdes), Sarliyya (Kurdes), Ibrahimiyya, Kirklar ou Jahaltan (Turkmen)… Ils reconnaissent tous notamment Hadji Bektash mais à différents degrés… Les Nusayris (ou Alaouites) arabes dans le sud de la Turquie et en Syrie sont théologiquement assez proches des alévis. 

Histoire 

Aux premiers siècles de l’ère islamique l’alévisme et le chiisme ne faisaient qu’un. La divergence est intervenue quand les Turcs se sont islamisés. Il faut dire aussi que les Turcs ont combattu, du VIIe au ixe siècle, les empires omeyyade et abbasside sunnites. L’islam alévi est né en Asie centrale mais a pris sa forme finale en Anatolie. 

Vers les années 800, le 8e des 12 imams de l’Ehlibeyt (la famille du Prophète), Imam Riza, est arrivé au Khorasan (l’actuel Turkménistan et le nord-est de l’Iran) en raison des persécutions que lui faisait subir les dignitaires sunnites. Quelques temps après, il a commencé à former des disciples et à les envoyer dans les populations turcophones du Khorasan et du Turkestan. Les Turcs se sont convertis via ces élèves car ils servaient la cause de l’Ehlibeyt donc des non-sunnites. 

En même temps, de 860 à 931 un état alévi avait été fondé au sud de la mer Caspienne par Hasan bin Zeyd, descendant de l’imam Hassan. Ce fait montre l’importance des partisans d’Ali dans la région. Vers les années 941-942 le voyageur arabe Abu Dulaf, qui se trouvait en Asie Centrale, parle pour la première fois des Turcs alévis (alawi en arabe). 
Un des lointains disciples de Riza était Aslan Baba, maître de Khodja Ahmet Yesevi originaire de Yesi au Turkestan. 
Khodja Ahmet Yesevi a commencé lui aussi à former des élèves (99 000 selon la tradition). Les femmes participaient aux cérémonies religieuses et le bağlama (saz) faisait parti notamment du rituel religieux, le cem. 

Les disciples d’Ahmet Yesevi ont commencé à se disperser de l’Altaï aux Balkans. Un de ses disciples, Hünkar Bektaş Veli (1209-1271), est arrivé en Anatolie. Il y crée un couvent et y forment des derviches et abdals. Les disciples de Bektash Veli et de Ahmet Yesevi sont à l’origine des ocaks. 

Hünkar Hajji Bektash Wali (Veli) est à l’origine de la confrérie bektachi(Babagan) fondée 3 siècles après sa mort par Balim Sultan ; les Tchelebi (Çelebi), quant à eux, revendiquent leur lignée directement de la descendance du Saint. 

Vers les années 1500, l’oppression ottomane envers les alévis devient insupportable et ces derniers soutiennent le Chah Ismail Ier. Ses partisans se font appeler Qizilbash. En 1514 le Chah Ismail perd la bataille contre le sultan Sélim. Les Ottomans qui s’étaient persanisés et arabisés (eux-mêmes ne se considéraient pas comme turc) détestaient les KizilBash (alévis) d’origine turkmène… 

Durant tout le xvie siècle et la première moitié du xviie siècle il y eut des dizaines de soulèvements. Les alévis avaient deux possibilités, se convertir au sunnisme ou mourir. Les uns se sont convertis et les autres se sont retirés dans les montagnes. 

En 1923 beaucoup d’alevis ont soutenu Atatürk dans ses réformes. Mais durant les années 50-90, la mainmise des sunnites dans les structures religieuses de l’État n’a pas permis d’évoluer vers une reconnaissance officielle. 

Aujourd’hui en Turquie 

En conséquence les alevis d’aujourd’hui sont confrontés à trois types de discrimination : 

Discrimination religieuse 

Le problème principal des alévis est que le ministère des cultes (diyanet) est sous le contrôle des sunnites et les alévis qui paient leur impôts comme tout les citoyens turcs ne profitent pas des services de ce ministère comme par exemple la constructions de cemevis, formations des Dedes, etc. Voyant que rien ne bougeait les alévis ont créé « Le centre des services religieux de l’islam alévi » (AIDHB) mais attendent toujours une reconnaissance du gouvernement. 

Discrimination culturelle 

Dans les livres d’écoles il n’y a aucune référence à l’islam alevi tant pour la croyance que pour l’histoire ou la littérature. Actuellement, le gouvernement au pouvoir continue à nier l’islam alevi (et donc un élément important de la culture turque) et cette situation devient de plus en plus préoccupante et crée un malaise dans la société turque. 
Il y a un troisième type de discrimination, par exemple, dans l’appareil étatique, plus vous montez dans la hiérarchie moins il y’a d’alevi. Cette troisième discrimination est difficile à prouver mais l’existence des deux autres conforte l’idée du troisième. 

Discrimination « sociale » 

Prétextant la lutte contre le communisme pendant 50 ans, les fondamentalistes sunnites en ont profité pour prendre le contrôle du ministère de l’Intérieur. Par conséquent, il n’y aucun chef de police (« emniyet muduru » en turc) ou gouverneur de province (« vali » en turc) qui soit alevi. 

Dernières nouvelles 

Le 22 juin, les associations alevi ont accordé deux mois de réflexion au gouvernement pour qu’il accepte: 
0. de reconnaître et de donner le statut de lieu de culte aux cemevis, 
. de mettre en place une structure qui servirait pour la formation des dedes, 
. de répartir équitablement (entre alevis et sunnites) les subventions fournies seulement au dinayet. 
. de mettre la culture, l’histoire et la littérature alevi dans les livres d’écoles. 
Le 19 août la réponse du gouvernement sunnite aux associations alevi était la suivante (on peut la résumer ainsi) : l’islam alevi n’existe pas. 
Par conséquent le 23 septembre, 2000 alevis ont porté plainte contre le gouvernement fondamentaliste sunnite au pouvoir. La justice décidera. S’ils n’obtiennent pas gain de cause en Turquie les associations alevis iront à la cour européenne des droits de l’homme. 

La croyance alévie est basée sur la foi en la « trinité » Allah, Mahomet (Prophétie) et Ali (Sainteté). Ils sont appelés « Uçler », (les Trois). En fait c’est la simplification de la chahada islamique avec en plus Ali : il n’y a qu’un seul Dieu, Mahomet est son prophète, Ali est son saint. (Les alévis pensent que la succession du prophète devait revenir à Ali.) Mais il y a aussi d’autres hiérarchies célestes : 

0. « Beşler », (les Cinq), Mahomet, Ali, Fatima, Hasan et Husayn dits aussi khamsa al-i aba ou pençe al-i aba 
. « Onikiler », (les Douze), les Douze Imams. 
. « On dört masum-u paklar », les Quatorze Purs Innocents : il sont les quatorze enfants des Imams, tués dans leur bas age 
. « Kirklar », les Quarante : ils font partie de la hiérarchie cosmique, ils ordonnent le monde et demeurent cachés. Ils sont en nombre constants dans le temps. Quand l’un d’eux meurt, un membre des “Trois Cents” le remplace. 

Les Douze Imams sont très vénérés dans l’alévisme et aussi le chiisme. 

La prière est nommée le cem (prononcé djème de l’arabe jam qui signifie rassemblement, communion) et son origine remonte au temps de Mahomet. Le cem est basé sur la visite de celui-ci parmi les kırklar, « les Quarante » après son ascension céleste (miradj). Les alévis l’appellent kırklar cemi, l’assemblée des quarante, car il y aurait eu quarante personnes dans l’assemblée. En fait c’est un rituel dans lequel il y a la prière, le semah et la commémoration du martyr de Husayn ben Ali. 

Le chef spirituel est le dede, descendant de Mahomet, dont le rôle est de faire appliquer le droit religieux, de conduire les cérémonies et de prêcher. 

Le livre sacré des alévis est le Coran. Cependant ils ont aussi des livres saints en langue turque parmi lesquels le « catéchisme » alévi, les buyruks (en turc, « les commandements ») et autres recueils de Saints. Le lieu de culte des alévis est le cemevi ou maison de jam, une maison adaptée à la communion. Les alévis ne vont pas à la mosquée. 
Les différents Jeûnes : 

零. 10/12 jours de jeûne de Muharrem, pour commémorer pour le martyr de Hussein. 
. 3 jours de Masum-u Pak 
. 3 jours de Madad Muruwwat (medet muruvvet) 
. 0/3/9 jours pendant le Ramadan pour commémorer le martyr de Ali, cousin et gendre du Prophète et la descente du Coran. 
. 3 jours de jeûne de Hizir (Khezr) en l’honneur du Prophète Hizir 
. jeûne des 48 jeudis de l’année lunaire 
Hizir est très présent dans l’islam alévi et la mystique musulmane, le « tasavvuf ». 

Chez les alévis le hadj formel (pèlerinage à la Mecque) n’est pas une obligation car ils pensent que Dieu est présent dans chaque homme. Cependant, le culte des saints (nommés veli) existe et les visites aux tombeaux des saints sont fréquentes. 
La principale confrérie de l’alévisme est le bektachisme. L’enseignement majeur de Hünkar Bektaş Veli est Dört kapı kırk makam, chemin initiatique du bektachisme et de l’alévisme. 

Alévisme 

© Collectif VAN 17 juin 2007 – 00:00 – www.collectifvan.org 

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